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Faut-il rechercher la rentabilité des investissements bas carbone ?
source : Note d’analyse n°144 – 10.10 copie – France Stratégie
À l’heure où la transition écologique demande des actions décisives, une question complexe émerge : les investissements dans les solutions « décarbonantes » doivent-ils nécessairement être rentables pour ceux qui les réalisent ? Selon France Stratégie, la décarbonation des bâtiments et des transports nécessitera environ 85 milliards d’euros d’investissements par an entre 2024 et 2030, soit un total de près de 600 milliards d’euros. Cependant, seuls un tiers de ces investissements seraient rentables pour les ménages et entreprises sans intervention publique. Une perspective qui incite à s’interroger sur la pertinence d’une telle exigence de rentabilité individuelle dans un contexte où les bénéfices collectifs, tels que la préservation des écosystèmes et la réduction des importations énergétiques, sont en jeu.
Les limites de la rentabilité individuelle face aux enjeux collectifs
Il est évident que certains investissements liés à la transition écologique représentent une charge nette par rapport aux solutions carbonées qu’ils remplacent. Cependant, faut-il pour autant renoncer à leur mise en œuvre ? La rentabilité économique pour un individu ou une entreprise n’est pas toujours le bon critère pour évaluer l’intérêt d’un investissement, surtout dans le domaine de la transition écologique. Par exemple, acheter un gros SUV est rarement rentable, pas plus que le ravalement obligatoire d’un immeuble. Pourtant, ces dépenses sont effectuées couramment, souvent par choix personnel ou par obligation réglementaire, sans qu’une rentabilité soit attendue.
Les dépenses « non rentables » : un phénomène déjà bien ancré
Nous acceptons quotidiennement des dépenses non rentables, et cela sans pour autant remettre en cause leur légitimité. L’embellissement d’une salle de bain ou d’un salon, par exemple, est rarement récupérable lors de la vente du bien. Pourtant, ce marché pèse plus de 100 milliards d’euros chaque année en France. Ces choix d’investissement sont guidés par des motivations qui dépassent la simple question de la rentabilité, comme le confort, la sécurité ou encore l’esthétique. De la même manière, l’amélioration énergétique d’un logement ou le remplacement d’une chaudière par une pompe à chaleur peuvent être vus non seulement comme une mesure écologique, mais aussi comme une forme d’assurance contre les risques futurs, tels que la volatilité des prix de l’énergie ou l’insécurité de l’approvisionnement.
Au-delà des subventions : repenser les incitations publiques
L’intervention de l’État, souvent vue comme indispensable pour rendre ces investissements attractifs, ne doit pas se limiter aux subventions. En effet, le contexte budgétaire actuel ne permet pas de compter exclusivement sur cette approche. D’autres mécanismes, comme des réglementations renforcées ou des incitations fiscales, pourraient être envisagés pour encourager les choix de consommation bas carbone. Par ailleurs, certains ajustements pourraient permettre d’intégrer une dimension « assurance » dans l’évaluation des investissements. Par exemple, choisir une solution de chauffage plus durable peut être envisagé comme un choix stratégique pour se protéger contre les incertitudes futures.
Investir dans le bas carbone : un choix de société, au-delà de la rentabilité
En fin de compte, l’intérêt collectif prime souvent sur la rentabilité individuelle. L’important est de ne pas se laisser enfermer dans une vision strictement économique de la transition écologique. Les ménages et entreprises doivent être accompagnés pour réaliser ces investissements, mais sans s’attendre à ce que chaque action soit immédiatement rentable. La véritable valeur de ces dépenses réside dans leur contribution à un avenir plus durable et à la sécurité énergétique. L’avenir se dessine ici et maintenant, à travers des choix d’investissements qui vont au-delà de la logique comptable.