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Solaire et éolien : Les illusions d’un futur sans intermittence ?
source : Integrating Solar and Wind (iea.blob.core.windows.net)
L’épopée moderne des énergies renouvelables, menée tambour battant par le solaire et l’éolien, semble avoir conquis le monde entier. À première vue, l’histoire est belle : des énergies propres, des promesses de réduction massive des émissions de CO2 et une transition énergétique portée par l’optimisme de l’innovation technologique. Mais, comme pour toute histoire, ce conte de la transition verte n’est pas sans zones d’ombre. Le rapport « Integrating Solar and Wind: Global Experience and Emerging Challenges » soulève des points cruciaux qui pourraient bien bousculer cette vision idéalisée. Parce que derrière les chiffres impressionnants se cachent des réalités beaucoup moins reluisantes.
Entre 2018 et 2023, la capacité installée du solaire et de l’éolien a plus que doublé, un chiffre qui, à première vue, semble suffisant pour soutenir une révolution énergétique. Ces technologies représentent aujourd’hui environ 12 % de la production mondiale d’électricité, un chiffre appelé à tripler d’ici 2030. Mais la réalité se joue ailleurs : dans les coulisses techniques, dans l’infrastructure vieillissante des réseaux électriques, et dans l’incapacité actuelle à garantir une stabilité énergétique suffisante. Nous vivons dans un monde où la variabilité des conditions climatiques et l’intermittence énergétique ne peuvent être ignorées, ni balayées sous le tapis.
Variabilité : l’obstacle que l’on préfère oublier
Le solaire et l’éolien, bien que respectueux de l’environnement, dépendent de deux éléments incontrôlables : le soleil et le vent. Ce fait, simple en apparence, pose un problème majeur. Avec un facteur de capacité moyen de 33,5 % pour l’éolien terrestre et seulement 12 % pour le solaire, ces sources d’énergie ne produisent pas constamment. Les jours sans vent, les nuits et les périodes couvertes réduisent leur contribution à l’alimentation des réseaux. Comment, alors, construire une économie énergétique stable et prospère sur des bases aussi fluctuantes ?
Certes, il existe des solutions technologiques pour combler ces lacunes. Les systèmes de stockage d’énergie par batterie (BESS) se développent, atteignant une capacité globale de 70 GWh en 2023. Une avancée prometteuse, certes, mais encore loin de répondre aux besoins réels pour soutenir la transition globale. Cette dépendance à des solutions de stockage, coûteuses et encore embryonnaires, remet en question la viabilité à long terme d’une transition basée uniquement sur ces énergies intermittentes.
Et cela ne s’arrête pas là. Le rapport met en avant un cadre en six phases d’intégration des énergies renouvelables variables (VRE), chacune nécessitant des niveaux croissants de flexibilité du réseau. Alors que 80 % des systèmes électriques mondiaux se situent encore dans les phases 1 à 3, à des niveaux relativement modestes d’intégration des VRE, la transition vers les phases supérieures — celles où les VRE domineraient le réseau — exige des investissements colossaux et une révision profonde de nos infrastructures. Sommes-nous prêts à les assumer ?
Le coût caché de l’intégration : des infrastructures sous pression
La flexibilité des réseaux électriques est l’un des défis les plus importants. Sans une infrastructure moderne capable de répondre instantanément aux fluctuations de production, le risque de déstabilisation du réseau grandit à mesure que la part des VRE augmente. En 2023, les investissements dans les infrastructures de réseau ont atteint 400 milliards de dollars, mais il en faudra au moins 800 milliards par an d’ici 2030 pour maintenir l’équilibre et soutenir l’essor des VRE.
Et pourtant, malgré ces investissements, la congestion des réseaux et les files d’attente pour connecter de nouveaux projets restent des obstacles de taille. Plus de 3 000 GW de projets renouvelables étaient en attente de connexion au réseau en 2023. Aux États-Unis et en Europe, cette congestion freine considérablement le déploiement de projets solaires et éoliens qui, ironiquement, pourraient participer à la résolution du problème qu’ils aggravent temporairement. Une véritable illustration de l’arroseur arrosé.
Flexibilité et innovation : un parcours semé d’embûches
L’innovation est souvent mise en avant comme la solution ultime. Les avancées technologiques dans le stockage d’énergie, les prévisions météorologiques ou la gestion de la demande sont autant de pistes prometteuses. Mais leur mise en œuvre à grande échelle est encore limitée par les coûts et les incertitudes liées à leur efficacité à long terme.
Certains pays, comme le Danemark et l’Australie du Sud, ont montré qu’il est possible d’atteindre des niveaux très élevés d’intégration des VRE, entre 35 % et 75 % de leur production annuelle. Cependant, ces succès reposent sur des investissements massifs dans la modernisation des réseaux et sur des conditions géographiques favorables qui ne sont pas universelles. Si ces pionniers nous offrent des leçons précieuses, ils nous rappellent également que chaque région doit adapter ses solutions à ses réalités locales. Il n’existe pas de solution unique pour tous.
Une réflexion sur l’avenir énergétique
Alors que le solaire et l’éolien continuent de se déployer à un rythme rapide, la question de leur intégration pose des défis complexes et bien réels. La tentation est grande de les présenter comme les sauveurs de notre monde en quête de décarbonisation. Mais, à bien y réfléchir, peut-on vraiment miser uniquement sur des sources d’énergie si instables sans risquer de compromettre la sécurité énergétique ?
Le rapport « Integrating Solar and Wind » nous invite à repenser cette approche en adoptant une stratégie plus équilibrée et plus nuancée. Car si le solaire et l’éolien sont des pièces indispensables du puzzle énergétique, ils ne peuvent à eux seuls assurer l’équilibre du réseau. Et c’est là qu’interviennent des sources d’énergie pilotables comme le nucléaire et le biogaz. Capables de produire de l’énergie de manière continue et adaptable, ces sources pilotables comblent les lacunes des VRE et assurent la stabilité des réseaux.
Le biogaz, en particulier, est une énergie qui, malgré sa discrétion, joue un rôle essentiel dans cette transition. En valorisant les déchets organiques et en produisant une énergie locale et constante, il apporte une solution complémentaire qui ne dépend ni du soleil ni du vent. Et tout comme le nucléaire, il peut maintenir un équilibre lorsque les renouvelables intermittentes échouent à répondre à la demande.
Alors, quelle direction devrions-nous prendre pour garantir un avenir énergétique sûr et durable ? La réponse se trouve peut-être dans cette complémentarité subtile entre des énergies intermittentes et des énergies pilotables, une combinaison qui ne sacrifie ni l’innovation ni la stabilité. En d’autres termes, nous devons apprendre à conjuguer le meilleur des deux mondes pour bâtir un avenir énergétique où l’intermittence n’est plus une contrainte, mais un simple détail.