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L’état de la politique énergétique en 2024 : entre espoirs et contradictions

source : State of Energy Policy 2024 – Analysis – IEA

 

Depuis le début de cette décennie en pleine mutation, les politiques énergétiques mondiales oscillent entre de nouvelles promesses et d’anciennes contradictions. Face à une géopolitique instable et une pression croissante pour des transitions énergétiques plus vertes, les gouvernements sont forcés de repenser leurs stratégies. En 2024, alors que les investissements dans les énergies renouvelables atteignent des sommets inédits, le secteur de l’énergie se trouve confronté à une question cruciale : comment concilier durabilité, sécurité énergétique et autonomie, sans tomber dans de nouvelles formes de dépendances ?

 

L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) dresse un tableau saisissant des politiques énergétiques actuelles. On y découvre une course effrénée vers les énergies renouvelables, amplifiée par des investissements globaux en hausse de 60 % depuis 2020, représentant près de 2 000 milliards de dollars. Toutefois, l’ironie saute aux yeux : alors que l’on cherche à briser les chaînes de la dépendance aux énergies fossiles, d’autres formes de dépendances émergent, notamment dans les chaînes d’approvisionnement des technologies propres, où quelques pays concentrent une majorité de la production.

 

L’effet boule de neige des crises géopolitiques sur les priorités énergétiques

Le conflit en Ukraine a dévoilé au grand jour une réalité que beaucoup soupçonnaient déjà : l’énergie est devenue une arme géopolitique redoutable. La hausse brutale des prix de l’énergie a contraint les États à reconsidérer leur dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles. Et malgré des efforts massifs pour accélérer la transition vers des énergies plus propres, l’ombre des énergies fossiles persiste.

 

Si l’on observe une augmentation des investissements dans des secteurs comme l’éolien ou le solaire, la dépendance excessive à certaines régions productrices de technologies pose question. Peut-on réellement parler de sécurité énergétique lorsque 80 % de la production mondiale de batteries, de panneaux solaires ou d’électrolyseurs est concentrée dans trois pays seulement ? C’est cette vulnérabilité structurelle qui pousse de nombreux gouvernements à diversifier leurs sources, avec des initiatives protectionnistes de plus en plus marquées, comme les crédits d’impôt américains pour les fabricants nationaux ou le récent Net Zero Industry Act de l’Union européenne.

 

Biogaz : la flexibilité au service de la transition

Parmi ces solutions émergentes, le biogaz, bien que souvent sous-estimé, se distingue par ses atouts multiples. Produit par la méthanisation des déchets organiques, il permet de transformer un problème en ressource, tout en capturant le méthane, un gaz à effet de serre bien plus puissant que le CO2. Cette approche de la valorisation des déchets présente une réponse locale et durable à la fois aux enjeux énergétiques et environnementaux, tout en offrant une résilience face aux chocs géopolitiques.

 

L’un des principaux avantages du biogaz réside dans sa capacité à être stocké, une caractéristique qui le place aux côtés du nucléaire parmi les énergies dites pilotables. Contrairement à des sources intermittentes comme le photovoltaïque ou l’éolien, dont la production dépend des conditions météorologiques, le biogaz peut être mobilisé à la demande, contribuant ainsi à stabiliser le réseau énergétique. Cette flexibilité en fait une pièce maîtresse dans le puzzle énergétique, permettant d’assurer une continuité de l’approvisionnement même lorsque le soleil ou le vent font défaut.

 

Sur le plan économique, le biogaz revêt également une importance stratégique. En donnant aux exploitations agricoles et aux collectivités locales la possibilité de produire leur propre énergie, cette solution contribue à revitaliser les territoires ruraux tout en générant de nouvelles sources de revenus. Alors que les investissements dans ce secteur continuent de croître, avec plus de 35 milliards de dollars mobilisés à l’échelle mondiale depuis 2020, il est essentiel de souligner que ce n’est pas une solution miracle, mais un élément complémentaire indispensable à toute stratégie énergétique globale.

 

Photovoltaïque : des promesses éclatantes, mais intermittentes

Le photovoltaïque, pour sa part, suscite un engouement grandissant avec une capacité de production qui a bondi de 60 % en seulement trois ans. Toutefois, cette explosion de la production n’est pas sans poser des défis. Comme toutes les sources d’énergie intermittentes, le solaire est soumis à des variations naturelles qui rendent son intégration au réseau plus complexe. Lorsque le soleil se couche, l’électricité cesse de produire, ce qui crée une dépendance à d’autres sources d’énergie pour combler les périodes d’inactivité.

 

Face à cette intermittence, les gouvernements ont réagi en renforçant leur soutien aux industries nationales avec des incitations massives. En 2024, 170 milliards de dollars ont été alloués pour encourager une production locale de technologies propres, et l’accent est de plus en plus mis sur le développement de solutions de stockage pour pallier les fluctuations de production. Néanmoins, il est évident qu’une source d’énergie intermittente comme le photovoltaïque, aussi prometteuse soit-elle, ne peut suffire à elle seule. Le recours à des sources complémentaires, comme le biogaz ou le nucléaire, est crucial pour garantir une fourniture d’énergie continue.

 

Une politique énergétique sans compromis ?

L’une des grandes leçons que l’on tire du rapport de l’AIE est qu’il n’existe pas d’énergie parfaite, tout comme il n’existe pas de politique énergétique idéale. Chaque source d’énergie présente des avantages et des inconvénients, et c’est précisément cette diversité qui permet de construire un mix énergétique résilient. Le biogaz, avec sa flexibilité, se combine parfaitement avec des sources comme le solaire, tandis que les investissements massifs dans les infrastructures de stockage visent à maximiser l’efficacité des énergies intermittentes. Ce modèle hybride reflète l’approche complémentaire nécessaire pour répondre aux enjeux actuels de sécurité, de durabilité et d’équité.

 

Ainsi, en 2024, la politique énergétique semble être un exercice d’équilibrisme délicat, où chaque décision doit tenir compte des interdépendances entre les différentes sources d’énergie. Peut-être est-ce là la plus grande leçon de cette période de transition : il ne s’agit pas de choisir une énergie contre une autre, mais de les associer de manière à assurer une continuité énergétique durable et équitable pour tous.