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Vers un nouveau paradigme de l’Énergie : Entre performance et défis structurants
Dans un monde où l’urgence climatique et la raréfaction des ressources fossiles nous imposent de nouvelles priorités, la France, comme tant d’autres nations, se trouve face au défi d’une transition énergétique ambitieuse. Cette dynamique est soutenue par les objectifs européens fixés à l’horizon 2030, visant à renforcer la place des énergies renouvelables. Mais au-delà des annonces triomphantes et des ambitions affichées, il est essentiel de comprendre les défis, les avancées et les obstacles qui jalonnent ce chantier colossal.
Le rapport « Chiffres Clés des Énergies Renouvelables » de 2024 nous offre un éclairage précieux sur l’état actuel des filières renouvelables en France, en Europe et dans le monde. Ce document, édité par le Service des Données et Études Statistiques (SDES), dresse un panorama exhaustif des différentes énergies renouvelables — hydraulique, éolien, solaire, biomasse, etc. — et de leurs impacts économiques. Mais au-delà des chiffres, l’analyse révèle des vérités parfois inconfortables, des réussites certaines, mais aussi des retards préoccupants.
En 2023, les énergies renouvelables ont représenté 15,4 % de la consommation d’énergie primaire en France, une hausse notable par rapport à 2012 où elles étaient à 9,6 %. Cette progression est principalement due à l’essor des pompes à chaleur, du photovoltaïque, de l’éolien et du biogaz. Parallèlement, le nucléaire demeure, sans surprise, le pilier énergétique français, représentant 39 % du bouquet énergétique. Pourtant, il serait réducteur de voir dans ces résultats une simple success-story de la transition énergétique française. En effet, cette dynamique cache des disparités importantes.
Par exemple, la filière bois-énergie reste dominante en matière de production primaire, représentant 31 % de l’ensemble des énergies renouvelables en 2023. Bien qu’elle soit cruciale pour le chauffage résidentiel, cette dépendance interroge sur la modernité et l’efficacité écologique de cette source. À l’inverse, des filières en pleine expansion comme l’éolien et le photovoltaïque ne pèsent respectivement que 14 % et 6 % de la production, malgré les investissements colossaux consentis.
L’un des aspects les plus frappants du rapport est la comparaison entre les objectifs énergétiques de la France et les résultats obtenus. Si certaines filières ont dépassé leurs attentes, d’autres peinent à décoller. L’éolien offshore, par exemple, pourtant annoncé comme une révolution, n’a atteint que 62 % de son objectif de 2023, malgré l’entrée en service du premier parc éolien en mer en 2022.
De plus, les énergies thermiques renouvelables, telles que la chaleur produite par le bois et les pompes à chaleur, jouent un rôle clé dans la transition. Cependant, cette dépendance à des technologies parfois jugées archaïques montre que la France mise encore largement sur des solutions transitionnelles plutôt que sur l’innovation de rupture. D’un autre côté, les injections de biogaz ont, quant à elles, atteint 110 % de leur objectif, soulignant l’importance croissante de cette filière dans le paysage énergétique français.
Un autre point d’attention concerne les investissements publics et privés dans les énergies renouvelables. En 2021, ils se sont élevés à 14,4 milliards d’euros, majoritairement orientés vers les pompes à chaleur (45 %), le solaire photovoltaïque (19 %) et l’éolien terrestre (12 %). Ces chiffres témoignent d’une volonté manifeste de développer ces filières, mais l’éolien en mer, pourtant identifié comme un axe stratégique, reste à la traîne.
Les dépenses publiques en recherche et développement (R&D) dans les énergies renouvelables stagnent à 189 millions d’euros en 2022, après une baisse continue depuis 2015. Le secteur solaire capte une part majoritaire de ces fonds, mais il faut constater que ces montants demeurent modestes par rapport aux besoins. À l’heure où l’innovation est cruciale, les efforts publics restent largement insuffisants pour placer la France en tête de la compétition mondiale.
L’économie des énergies renouvelables représente également une manne importante pour l’emploi. En 2021, on comptait 102 000 équivalents temps plein (ETP) dans ce secteur, dont la majorité dans les filières des pompes à chaleur et du bois-énergie. Pourtant, ce dynamisme économique est à nuancer. La filière photovoltaïque, par exemple, n’emploie que 15 % des travailleurs, bien en deçà de son potentiel. Ce constat révèle un certain retard dans le développement de nouvelles compétences et la formation des travailleurs pour répondre aux enjeux d’une économie bas carbone.
Si le développement des énergies renouvelables est indiscutablement un levier fondamental de la transition énergétique, il ne résout pas tout. Le document met en lumière la forte dépendance de la France au bois-énergie, une filière énergivore en ressources naturelles. De plus, les investissements dans la R&D, pourtant vitaux pour la transition vers des technologies plus durables, demeurent insuffisants. En outre, l’atteinte des objectifs 2030 semble compromise pour certaines filières, notamment l’éolien terrestre et le solaire thermique, qui n’ont réalisé que 89 % et 77 % de leurs objectifs respectifs en 2023.
Cette situation pose une question essentielle : peut-on vraiment compter sur les énergies renouvelables pour remplacer à elles seules les énergies fossiles ? Si la réponse est partiellement positive, il semble évident que des ajustements et des efforts supplémentaires seront nécessaires pour atteindre les ambitions climatiques.
Le paysage des énergies renouvelables en France est en constante évolution, porté par une volonté politique forte mais ralenti par des défis techniques et financiers. Les chiffres du rapport montrent des avancées, certes, mais aussi de nombreux obstacles à surmonter pour parvenir à une transition énergétique véritablement durable et inclusive. Les technologies telles que le biogaz, le photovoltaïque et les pompes à chaleur démontrent leur potentiel, mais elles ne suffiront pas si elles ne sont pas accompagnées de politiques publiques audacieuses et de financements accrus en innovation.
Dans un avenir proche, le biogaz pourrait s’imposer comme une solution complémentaire, tandis que l’électricité photovoltaïque pourrait connaître un essor encore plus prononcé. Les énergies renouvelables ne sont pas une fin en soi, mais un outil parmi d’autres pour un futur énergétique plus résilient.