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Écouter ceux qui construisent l’avenir : oser une humilité contagieuse
source : Comment décarboner l’industrie française ? | RTE
Il suffit de se pencher sur la situation actuelle de l’industrie française, tiraillée entre la nécessité de réduire son empreinte carbone et l’envie de conserver une place enviable dans la compétition internationale, pour mesurer l’ampleur des efforts à engager. Les chiffres, plutôt parlants, indiquent que l’industrie hexagonale émet environ 77 millions de tonnes de CO₂ par an, représentant près de 18 % des émissions nationales, ce qui interroge sur la manière dont elle pourra évoluer, tout en préparant les générations futures à maîtriser des processus plus respectueux de l’environnement. Cette perspective, nourrie par la volonté de transformer en profondeur les modes de production, inspire des stratégies où l’investissement, l’innovation et l’éducation pourraient agir de concert pour permettre une transition plus en phase avec les enjeux du XXIᵉ siècle. Mais qui formera les ingénieurs, les techniciens, les opérateurs de demain, si la vision pédagogique ne s’adapte pas aux réalités émergentes ?
L’analyse proposée par RTE sur la décarbonation industrielle française met en avant des pistes techniques qui semblent évidentes de prime abord, mais dont la mise en œuvre exige des ajustements complexes. L’électrification des procédés, par exemple, offre un levier notable pour réduire la dépendance aux combustibles fossiles. Pourtant, envisager une demande électrique industrielle en hausse de 40 % d’ici 2050 impose de repenser les infrastructures, les capacités de production et de stockage, la flexibilité du réseau, ainsi que le savoir-faire des professionnels chargés de piloter ces mutations. Au cœur de cette dynamique, la question éducative devient centrale : comment préparer dès maintenant les ingénieurs, les formateurs, les responsables opérationnels, afin qu’ils maîtrisent les leviers de la transformation industrielle ? Le doute s’installe : former sans anticiper les futurs besoins ne mènerait-il pas à des compétences inadaptées au contexte de demain ?
La perspective de l’hydrogène vert fait rêver certains, tandis que d’autres y voient une technologie encore onéreuse. Entre 4 et 6 €/kg pour cet hydrogène produit à partir d’énergies renouvelables, contre 1,5 €/kg pour son homologue issu de ressources fossiles, la marge n’est pas négligeable. Cela implique de préparer des spécialistes, non seulement en ingénierie industrielle, mais aussi en économie, en logistique, en management, qui sauront interpréter ces coûts, identifier les marges de progrès, négocier les contrats, tisser des partenariats. Cette montée en compétences, qui nécessite du temps, des efforts et de la créativité, soulève des interrogations légitimes sur le rôle futur des programmes de formation technique, mais aussi sur la capacité des établissements d’enseignement à actualiser leurs cursus. Et si l’on enseignait dès maintenant comment concevoir, installer et optimiser des systèmes hydrogène, plutôt que de s’y plonger tardivement, une fois les tendances solidement ancrées ?
Certains misent sur une sobriété énergétique plus affirmée, imaginant une réduction de 15 % de la consommation d’ici 2030. Sur le papier, l’idée séduit, mais rendre ces économies concrètes nécessite d’ajuster les process, de réorganiser les chaînes de production, de revisiter le cycle de vie des produits, tout en encourageant les équipes à embrasser de nouvelles pratiques. Une telle dynamique suppose un travail de longue haleine, une volonté d’apprentissage continu, une proximité accrue entre experts techniques, formateurs et responsables pédagogiques. Sans cette prise en compte de l’humain, comment s’étonner si les efforts d’efficacité énergétique se heurtent à des résistances culturelles ou à l’incompréhension des opérateurs ?
Au-delà de ces leviers technologiques et économiques, c’est un véritable changement de paradigme qui apparaît en filigrane, un appel à interroger le sens même de l’activité industrielle et son inscription dans une trajectoire plus soutenable. L’éducation ne serait-elle pas le fer de lance de cette mue, en permettant aux décideurs, ingénieurs, techniciens, financiers, opérateurs et citoyens d’appréhender toutes les dimensions de ces choix ? L’époque où l’industrie pouvait prospérer sans intégrer une réflexion sur l’impact climatique est révolue, et l’on se plaît à imaginer que des approches plus sobres, et peut-être un jour soutenues par des sources d’énergie comme le biogaz, le solaire ou la chaleur renouvelable, viendront agrémenter un tableau complexe, certes, mais porteur d’opportunités. Ironiquement, qui aurait cru qu’un jour, parler d’industrialisation rimerait avec questionnements pédagogiques, subtilité des arbitrages et sensibilité environnementale ?