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2025_01_Du tracteur aux engrais - libérer l’agriculture de ses chaînes fossiles

Dépendances fossiles et avenir agricole : une équation à résoudre. 

source : Jean-Marc Jancovici est auditionné à l’Assemblée nationale – 15/01/2025

 

Jean-Marc Jancovici, président de The Shift Project, a été auditionné ce 15 janvier 2025 à l’Assemblée nationale pour présenter une vision systémique de l’agriculture bas carbone en France. Ce projet, inscrit dans le cadre de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), vise à rendre le secteur agricole plus résilient face aux défis du changement climatique, tout en répondant aux contraintes physiques et énergétiques. L’audition a permis de dresser un tableau nuancé, mettant en lumière les interactions complexes entre dépendance aux énergies fossiles, viabilité économique et souveraineté alimentaire.

 

Une agriculture sous double contrainte : carbone et dépendances fossiles

L’agriculture française repose aujourd’hui sur une dépendance structurelle aux énergies fossiles : 80 % des apports d’azote proviennent d’engrais synthétiques issus du gaz naturel, et 75 % de ces engrais sont importés. En parallèle, 3 % de la consommation énergétique nationale est imputable à l’agriculture. Cette dépendance met en péril l’autonomie alimentaire et énergétique, exposant le secteur à des vulnérabilités croissantes.

 

Consultation inédite : l’agriculture face à son avenir

Avec près de 8 000 réponses d’agriculteurs, une large consultation a révélé que 87 % des participants considèrent l’économie comme un frein à la transition, et seulement 7 % rejettent toute action. Ce consensus offre un levier stratégique pour accompagner une transformation profonde, à condition de garantir des revenus plus justes et des incitations économiques cohérentes.

 

Des scénarios de transition ambitieux, mais imparfaits

Les trois premières priorités stratégiques – autonomie alimentaire, bioénergie et exportation – se sont révélées insuffisantes pour atteindre les objectifs climatiques de 48 millions de tonnes d’équivalent CO₂ en 2050. Un quatrième scénario, dit de conciliation, propose une réduction maîtrisée des cheptels, une intensification agroécologique et une valorisation accrue des prairies permanentes.

 

La biomasse et la méthanisation : des ressources à gouverner avec soin

Avec une production annuelle de 245 millions de tonnes de biomasse sèche, l’agriculture est le pivot d’une multitude d’usages, de l’alimentation humaine et animale à la production énergétique. Parmi ces usages, la méthanisation émerge comme une solution clé pour valoriser les résidus organiques en énergie renouvelable, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Actuellement, elle contribue à éviter 7 millions de tonnes d’équivalent CO₂ par an et possède un potentiel significatif de développement.

Toutefois, les arbitrages sont cruciaux. La méthanisation ne doit pas entrer en concurrence avec d’autres besoins stratégiques tels que le retour de la matière organique au sol, essentiel pour préserver la fertilité des terres et le stockage de carbone. Dans une logique de gouvernance locale, il est impératif d’adopter une planification rigoureuse pour équilibrer les usages énergétiques, alimentaires et environnementaux de la biomasse. Ce défi repose sur une coordination étroite entre les territoires et les filières agricoles.

 

Quelles priorités pour demain ?

Le scénario de conciliation défend une approche systémique : maintien des sols fertiles, diversification des pratiques (légumineuses, agroforesterie) et augmentation de l’efficacité énergétique (+20 %). Pour réussir, la transition devra s’appuyer sur une sécurisation économique des exploitations et un accompagnement structuré par les politiques publiques.