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2024_09_Shift-Project-Bretagne

Vers des territoires résilients : décarbonation et enjeux pour la Bretagne

source : « Vers des économies régionales bas carbone – Expérimentation en Bretagne » : le Shift publie son rapport final – The Shift Project

 

À l’heure où l’urgence climatique s’impose avec une acuité sans précédent, une région comme la Bretagne, riche de son histoire et de ses ressources naturelles, se retrouve face à un défi inédit : opérer une transformation radicale de ses activités économiques tout en préservant la cohésion sociale et le tissu local. Ce virage vers une économie décarbonée, mis en lumière par le rapport du Shift Project, n’est pas une simple aspiration. C’est une question de survie pour les générations à venir, une renaissance des territoires à travers des choix audacieux qui questionnent notre mode de vie et notre rapport à l’énergie.

 

Le rapport « Vers des économies bas-carbone » explore en profondeur les solutions pour une transition durable, non seulement pour la Bretagne, mais aussi pour l’ensemble des régions françaises. Le Shift Project propose une approche systémique pour réduire les émissions de carbone, tout en créant des opportunités d’emploi local. En Bretagne, la mise en œuvre de cette stratégie pourrait impacter directement 149 000 emplois, soit 11,5 % de l’emploi régional, avec une augmentation prévue de 32 000 emplois supplémentaires d’ici 2030, soit une hausse de 21 %. Cependant, cette dynamique repose sur un équilibre délicat entre innovations technologiques, gestion des ressources et adaptation des infrastructures locales.

 

La méthanisation, par laquelle la Bretagne produit du biogaz à partir de déchets organiques tels que les résidus agricoles et les déchets industriels, est l’un des leviers essentiels de cette transition. Actuellement, la production française de biogaz atteint 7 TWh injectés dans le réseau, dont la Bretagne est un contributeur majeur. D’ici 2030, ce chiffre devrait doubler pour atteindre 14 TWh, permettant à cette énergie renouvelable d’alimenter en partie le réseau national de gaz. En 2050, on prévoit une augmentation de +571 % de la production de biogaz par rapport à aujourd’hui, ce qui fera de cette source d’énergie une part croissante du mix énergétique. Bien que cette capacité soit impressionnante, le biogaz ne représentera qu’environ 5 % de la demande énergétique finale en Bretagne en 2050. Il est donc impératif d’intégrer d’autres sources d’énergie, notamment l’électricité photovoltaïque et la chaleur renouvelable, pour répondre aux objectifs climatiques. (rappel : les 3 mêmes énergies prévues dans le projet TiNERZH).

 

Le rapport du Shift Project, avec une précision chiffrée, met en avant les obstacles et tensions propres à cette transition. Prenons l’exemple du secteur des transports : 95 % des tonnes-kilomètres en Bretagne sont encore transportées par la route. La part du transport ferroviaire est quant à elle de 5 %, un chiffre dérisoire au regard des ambitions climatiques. Pour remédier à cette situation, il est envisagé de multiplier par six la part du fret ferroviaire. Mais comment réussir une telle mutation dans une région où l’infrastructure existante peine à suivre ?

 

Dans le secteur du logement, le rapport souligne que la Bretagne affiche un taux de construction supérieur de 50 % à la moyenne nationale, notamment en maisons individuelles. Il est donc impératif de freiner cette dynamique et de privilégier la rénovation énergétique, avec des objectifs ambitieux. La transition énergétique dans ce secteur se base sur des leviers tels que l’utilisation accrue des matériaux biosourcés locaux, ainsi que l’installation de pompes à chaleur, en remplacement des chaudières au fioul. L’électrification de ces usages contribuerait à la réduction des émissions de carbone dans la région, qui doit baisser de 50 % d’ici 2030 et atteindre une réduction de 99 % d’ici 2050 pour les secteurs quantifiés.

 

En agro-industrie, la Bretagne est leader dans la production et la transformation de denrées comme le porc, la volaille et le lait, ce qui représente 20 % des surfaces légumières nationales. Mais cette production massive implique également des émissions importantes et une consommation d’énergie qui doit impérativement être décarbonée. L’usage du biogaz pourrait ici jouer un rôle important dans la réduction des émissions agricoles, même si les capacités actuelles de production ne couvrent qu’une petite part des besoins énergétiques de la région.

 

Au-delà des défis purement techniques et des chiffres alarmants, cette transition invite à une réflexion plus large sur la manière dont les citoyens et les entreprises bretonnes peuvent être acteurs de leur propre avenir. La notion de sobriété structurelle, concept clé du rapport, appelle à une réorganisation des flux de biens et de services, favorisant la mutualisation et la coopération locale pour réduire la consommation énergétique. Cela suppose également de repenser nos habitudes de mobilité, où la voiture représente aujourd’hui encore 80 % à 90 % des déplacements quotidiens, pour la ramener à 50 % d’ici 2050.

 

Le défi n’est pas simplement technologique, il est aussi dans notre manière de penser. Il devient urgent de sortir des schémas du siècle dernier, qui ont conduit à notre dépendance énergétique actuelle. Ce n’est qu’en remettant en question ces vieux paradigmes, souvent portés par des oppositions aux nouvelles solutions, que nous pourrons avancer. Si certaines résistances subsistent, elles devront être amenées à considérer les enjeux d’un autre angle, dans un esprit plus constructif et tourné vers l’avenir.

 

Mais ces défis, loin d’être insurmontables, portent en eux les germes d’une réinvention radicale de l’économie régionale. Réduire de 27 % la consommation de bois pour le chauffage d’ici 2050, limiter les nouvelles résidences secondaires, augmenter le taux de remplissage des véhicules légers, électrifier rapidement les transports collectifs,etc. Autant de solutions qui, bien que complexes à mettre en œuvre, dessinent les contours d’un futur bas-carbone, à condition de faire des choix éclairés dès aujourd’hui.

 

La Bretagne, de par ses spécificités, se présente comme un terrain idéal pour expérimenter ces transformations. Chaque secteur analysé dans le rapport du Shift Project représente un défi, mais aussi une opportunité de redonner vie aux territoires ruraux et de renforcer l’autonomie énergétique de la région. Le moment est venu pour chaque citoyen, chaque acteur économique de s’engager dans cette transition, en transformant ces défis en une promesse d’un avenir plus serein et plus juste.