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L’électricité, entre réalité technique et illusion économique

source : “L’électricité est gratuite quel que soit son prix” selon Jean-Marc Jancovici – YouTube

 

L’électricité, souvent perçue comme une ressource simple et accessible, cache une réalité bien plus complexe, notamment lorsqu’il s’agit de la transition énergétique et des défis qu’elle soulève. À travers une récente audition menée par la commission d’enquête sénatoriale sur la production, le prix et la consommation de l’électricité, Jean-Marc Jancovici, ingénieur renommé et cofondateur du Shift Project, a exposé les enjeux stratégiques auxquels la France et l’Europe sont confrontées. Ce qui peut sembler, à première vue, une discussion technique, révèle en réalité des défis de société majeurs. Analysons ces éléments cruciaux qui définissent notre avenir énergétique.

 

Une électricité à double tranchant : L’illusion de la gratuité

Lors de son audition, Jancovici a choqué en affirmant que « l’électricité est gratuite, quel que soit son prix ». Une affirmation qui, à première vue, peut sembler paradoxale, mais qui renferme une vérité profonde sur la nature de cette énergie. L’électricité, comme il l’explique, est un produit dont le coût marginal tend à être faible une fois les infrastructures mises en place. Pourtant, cette simplicité cache un enjeu majeur : si l’énergie peut sembler gratuite, les mécanismes derrière sa production, en particulier dans le cadre des énergies renouvelables ou nucléaires, restent extrêmement coûteux​.

 

Il est intéressant de noter que l’électricité est, de par sa nature, une énergie souvent qualifiée de propre, mais cette propreté apparente se heurte à des réalités géopolitiques et industrielles bien plus nuancées. L’Europe, qui cherche à augmenter sa part d’énergie décarbonée, ne peut échapper à la question centrale : comment produire suffisamment d’électricité pour répondre à une demande croissante tout en limitant les dépendances énergétiques, notamment vis-à-vis des hydrocarbures ?

 

Une demande en stagnation : sobriété ou effondrement ?

Un autre point clé abordé par Jancovici est la stagnation, voire la légère baisse de la consommation d’électricité en France ces dernières années, en partie due aux efforts de sobriété énergétique. Cette situation pose des questions cruciales : sommes-nous vraiment en train de devenir plus efficaces dans notre utilisation de l’énergie, ou assistons-nous à un ralentissement de l’activité économique, résultat d’une raréfaction des ressources, en particulier du pétrole et du gaz​ ?

 

À travers cette analyse, on comprend que l’avenir de l’électricité est intrinsèquement lié à celui de l’économie. La relation entre la production d’énergie et la croissance économique n’est pas un lien de cause à effet unidirectionnel. L’économie peut stagner non pas uniquement à cause d’un manque d’énergie, mais parce que d’autres facteurs, tels que les hydrocarbures ou les métaux rares, viennent la contraindre.

 

Nucléaire et renouvelables : Une relation ambivalente

Jean-Marc Jancovici, fidèle à ses positions, a longuement insisté sur le rôle central du nucléaire dans l’avenir énergétique de la France. Le débat sur la relance de cette énergie, après une période de « nucléaire honteux », a pris une nouvelle tournure. La construction de nouveaux réacteurs, comme les fameux EPR2, est une nécessité selon lui, non seulement pour sécuriser notre approvisionnement en électricité, mais également pour pallier les insuffisances des énergies renouvelables intermittentes, telles que l’éolien et le solaire​.

 

L’ironie est que, bien que les énergies renouvelables (éolienne et solaire) soient souvent présentées comme la solution à tous nos maux climatiques, elles nécessitent des investissements colossaux en infrastructure pour compenser leur imprévisibilité. Pire encore, des phénomènes de saturation du réseau sont déjà observés dans certains pays européens, où l’énergie solaire dépasse les capacités de stockage et d’utilisation. Ainsi, l’image romantique d’un monde uniquement alimenté par le soleil et le vent se heurte aux dures réalités techniques et économiques.

 

L’épineuse question de l’hydrogène : Un espoir ou une illusion ?

L’un des aspects les plus fascinants de l’audition fut la discussion autour de l’hydrogène. Jancovici n’a pas mâché ses mots : « l’hydrogène est un vecteur énergétique, mais un vecteur à très faible rendement, surtout dans le secteur des transports ». L’ingénieur est sceptique quant à la promesse d’une aviation commerciale à hydrogène, qu’il qualifie même de « blague »​. La route vers un usage massif de l’hydrogène semble semée d’embûches, en raison notamment des pertes énergétiques considérables lors de la production, du stockage et de l’utilisation de cette énergie.

 

Le futur incertain de notre modèle énergétique

En conclusion, l’avenir de l’électricité en France et en Europe se dessine comme un équilibre précaire entre différentes sources d’énergie. Que ce soit par le nucléaire, les énergies renouvelables ou l’hydrogène, aucune solution ne semble s’imposer sans réserves. Ce constat nous pousse à une réflexion plus large : la course à la transition énergétique ne se résume pas à une question technique, mais bien à une révision profonde de nos modes de consommation et de production.

 

Ce qui ressort de l’analyse de Jancovici, c’est un avertissement : l’énergie bon marché et illimitée n’existe pas. Alors que nous avançons vers une électrification accrue de nos sociétés, les décisions que nous prenons aujourd’hui détermineront la viabilité de notre modèle énergétique à long terme. La réponse se trouve-t-elle dans une combinaison subtile des différentes énergies, ou devons-nous repenser entièrement notre manière de vivre ? L’histoire, comme toujours, en sera juge.