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2024_10_ODD-RSE

Analyse des ODD et RSE : Un moment clé pour repenser les stratégies

source : fs-2024-avis-rse_et_odd-juin-zippe.pdf (strategie.gouv.fr)

 

Les entreprises se retrouvent aujourd’hui à un croisement stratégique : d’une part, elles sont confrontées à des exigences réglementaires croissantes, notamment avec des cadres comme la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), et d’autre part, elles doivent répondre à des attentes sociétales qui ne cessent de croître en matière de responsabilité sociale et environnementale. Dans ce contexte, le rapport sur les Objectifs de Développement Durable (ODD) et la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), publié en mai 2024, constitue un véritable point d’étape sur la manière dont les entreprises françaises abordent ces enjeux.

 

Une évolution encourageante mais inégale

D’après le rapport, les entreprises françaises ont largement intégré certains ODD dans leurs stratégies RSE, comme l’ODD 8 (travail décent et croissance économique), l’ODD 13 (mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques) ou encore l’ODD 12 (consommation et production responsables). En effet, l’adhésion volontaire aux ODD représente souvent un levier pour anticiper les futures législations et répondre aux attentes croissantes des parties prenantes. Toutefois, cette adhésion n’est ni complète ni homogène, puisque des ODD comme ceux liés à la lutte contre la pauvreté (ODD 1), à l’eau propre et à l’assainissement (ODD 6), ou à la vie aquatique (ODD 14) restent largement omis dans les stratégies des entreprises.

 

Une enquête réalisée par le Pacte mondial de l’ONU – Réseau France révèle que 87 % des entreprises interrogées sont conscientes des ODD, mais ce taux tombe à 69 % pour les PME, traduisant une différence significative entre les grandes entreprises et les plus petites. Cela montre l’importance d’un accompagnement accru, en particulier pour les PME, afin de les aider à se structurer autour de ces objectifs globaux. Cette disparité reflète également un certain manque d’outils adaptés, ainsi qu’une priorisation des ODD en fonction de leur compatibilité avec les stratégies existantes des entreprises.

 

Les freins à l’intégration des ODD : entre complexité et ressources limitées

L’une des principales difficultés mentionnées dans le rapport est la complexité de la mise en œuvre opérationnelle des ODD. Les entreprises sont souvent confrontées à des freins structurels, tels que l’absence de ressources humaines et budgétaires dédiées à la RSE. Un autre obstacle réside dans la difficulté d’évaluer les impacts des actions entreprises sur la chaîne de valeur, notamment au niveau international où les données sont souvent fragmentées ou insuffisantes. Ce manque d’informations empêche de dresser un état des lieux exhaustif des contributions des entreprises à ces objectifs.

 

D’autres points faibles identifiés concernent la coordination des politiques publiques et leur alignement avec les initiatives RSE des entreprises. Le manque de convergence entre les attentes des États et les actions des entreprises pose question sur la capacité des ODD à être véritablement opérationnels, surtout dans un contexte international où les disparités de réglementation sont grandes.

 

Une opportunité à saisir pour les entreprises visionnaires

Malgré ces obstacles, les ODD représentent un formidable outil de transformation pour les entreprises souhaitant se projeter dans un modèle d’affaires durable. Pour celles qui prennent cette démarche au sérieux, l’intégration des ODD dans leur stratégie RSE n’est pas qu’une simple formalité : c’est une occasion de repenser leur modèle économique, de renforcer leur résilience face aux crises futures, et d’améliorer leur attractivité auprès des consommateurs, des investisseurs et même des futurs talents. En effet, 70 % des consommateurs se disent prêts à payer plus cher pour des produits issus d’entreprises responsables, particulièrement chez les jeunes générations.

 

Cependant, il est essentiel que cette démarche reste sincère et ne se limite pas à une communication de façade. Les entreprises doivent réellement évaluer et ajuster leurs pratiques internes, sous peine de perdre la confiance de leurs parties prenantes.

 

Un cadre à renforcer pour mobiliser les acteurs locaux et les financements privés

Enfin, le rapport met l’accent sur le rôle crucial des fédérations professionnelles et des collectivités territoriales dans la mobilisation des entreprises, notamment les plus petites. Les acteurs locaux, à travers des coalitions multi-acteurs, peuvent jouer un rôle clé pour fédérer les entreprises autour des enjeux du développement durable, en créant des ponts avec les financements publics et privés. D’ailleurs, la finance à impact, bien que balbutiante en France, suscite un intérêt croissant auprès des investisseurs. Ces derniers voient dans les ODD non seulement une boussole éthique, mais aussi une opportunité économique avec un marché global de 12 000 milliards de dollars.

 

L’avenir appartient aux audacieux

Au final, les entreprises ont tout intérêt à s’emparer des ODD comme d’un levier de transformation profonde, plutôt que de les percevoir comme un simple cadre à respecter. Mais pour cela, elles doivent s’engager dans une démarche authentique et rigoureuse, en s’appuyant sur les nombreux outils et ressources disponibles, tout en intégrant les ODD dans chaque strate de leur modèle d’affaires. Peut-être que la question n’est plus de savoir si elles doivent le faire, mais quand elles prendront enfin le virage.