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L’Europe à la croisée des chemins : entre compétitivité et transition énergétique

source : The Future of European Competitiveness (youtube.com)

 

Dans le rapport « L’avenir de la compétitivité européenne », Mario Draghi brosse un tableau de l’industrie européenne, confrontée à des choix stratégiques décisifs dans un contexte de transition énergétique et de tensions géopolitiques croissantes. En privilégiant une approche équilibrée, Draghi explore les erreurs passées, les défis actuels et les solutions potentielles pour redonner à l’Europe sa place sur la scène mondiale. Mais ce document soulève-t-il davantage de questions qu’il n’apporte de réponses?

 

Un passé énergétiquement contraignant

Draghi rappelle les erreurs historiques, comme la dépendance excessive à l’égard du gaz russe, qui a mis à mal la résilience énergétique de l’Europe. Cette situation, amplifiée par l’abandon de l’énergie nucléaire et la perte de leadership dans le secteur photovoltaïque, a entraîné une fragilisation des chaînes d’approvisionnement, largement dominées par la Chine. Pour Draghi, ces erreurs illustrent la nécessité de diversifier les sources d’approvisionnement en énergie et de renforcer l’innovation, avec des industries européennes prêtes à affronter les défis du 21ème siècle.

 

La compétitivité européenne : un défi d’adaptation

L’Europe, comme le souligne Draghi, ne pourra rester compétitive qu’en renforçant ses capacités industrielles tout en suivant une trajectoire de décarbonation. Par exemple, le coût de l’électricité renouvelable dans le sud de l’Europe est environ 50 % inférieur à celui de l’électricité produite à partir du gaz naturel. Pourtant, malgré ces avantages, l’Europe continue de payer des factures énergétiques trois fois supérieures à celles de ses concurrents américains, ce qui handicape les industries à forte consommation d’énergie. Il appelle ainsi à une politique de « découplage » des prix du gaz naturel des autres sources d’énergie afin de limiter la volatilité.

 

La clé de la croissance : innovation et indépendance stratégique

Draghi insiste sur l’importance d’une innovation portée par une « circularité » renforcée. La Banque Centrale Européenne estime que la réduction des coûts énergétiques à des niveaux comparables à ceux des États-Unis pourrait stimuler la croissance européenne de 1 % par an. Un tel potentiel est une invitation à envisager des politiques de soutien direct à l’offre, et non plus uniquement à la demande. Cependant, la centralisation actuelle de la production de minéraux critiques en Chine et le manque de raffineries en Europe rendent l’Union vulnérable. Selon Draghi, seule une réponse ambitieuse, en soutenant notamment les technologies innovantes et en renforçant l’économie circulaire, pourrait garantir l’indépendance stratégique de l’Europe.

 

La politique énergétique, un moteur économique

Pour l’Europe, la transition vers une économie basée sur les énergies renouvelables et l’électricité n’est plus une option, mais une nécessité. À partir de 2025, les marchés mondiaux du gaz naturel devraient favoriser les acheteurs, offrant un répit temporaire aux industries énergivores européennes. C’est durant cette fenêtre que l’Europe pourrait s’équiper d’infrastructures de stockage et de distribution de l’énergie renouvelable, tout en misant sur une politique industrielle verte. Draghi voit donc l’Europe basculer « des molécules aux électrons », insistant sur le fait qu’il s’agit là de l’avenir du continent.

 

Une dernière ligne droite ?

La conclusion de Draghi semble empreinte d’ironie : l’Europe a fait le choix de « survivre » dans un monde globalisé tout en cherchant à préserver ses valeurs sociales et démocratiques. Mais si l’Europe se contente d’attendre que le changement climatique modifie ses priorités, le coût de l’inaction pourrait devenir insupportable. Alors, l’Europe saura-t-elle faire preuve de cohérence et d’unité pour se réinventer sans sacrifier ses idéaux?