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Une vision humaniste et équilibrée des économies d’énergie : vers un futur durable

source : 5 – Les économies d’énergie – Cours des Mines 2019 – Jancovici – (youtube.com)

 

Dans un monde où les ressources énergétiques fossiles s’épuisent à un rythme inquiétant, la question des économies d’énergie devient cruciale pour notre survie collective. Loin d’être un simple concept théorique, elle s’impose aujourd’hui comme une réalité incontournable. L’Europe, parmi les premières régions à être frappée par la raréfaction de ces ressources, en est le parfait exemple. Jean-Marc Jancovici, lors de son cours aux Mines, pose un diagnostic lucide : il n’est plus question de choisir entre agir ou non, mais de gérer ou subir. Toutefois, cette gestion implique des choix complexes que nous devons aborder avec courage et clairvoyance​.

 

Une civilisation industrielle à bout de souffle

Notre société moderne a bâti son développement sur une croissance sans précédent, alimentée par les énergies fossiles. Cette ère d’abondance a permis une augmentation vertigineuse de la production, du pouvoir d’achat et de l’accès à des biens toujours plus sophistiqués. Cependant, les conséquences de cette surconsommation apparaissent de plus en plus clairement : la pénurie d’énergie fossile et la pollution liée aux gaz à effet de serre. Ces deux défis, bien distincts mais étroitement liés, dictent désormais notre avenir. Il est impératif de faire fonctionner nos sociétés avec moins d’énergie ou avec des énergies moins carbonées. Mais le chemin à suivre n’est ni simple ni direct.

 

Sobriété, efficacité ou pauvreté : trois chemins, une seule destination

Face à ces contraintes énergétiques, les réponses proposées peuvent être regroupées en deux grandes familles : l’efficacité énergétique et la sobriété volontaire. L’efficacité énergétique consiste à optimiser les processus pour obtenir un même service en utilisant moins d’énergie, tandis que la sobriété prône une réduction délibérée de notre consommation. La différence est subtile, mais cruciale : dans un cas, on espère ne pas changer nos habitudes, dans l’autre, on accepte de les modifier pour un avenir plus soutenable. Cependant, Jancovici introduit une troisième voie moins joyeuse : la pauvreté. Si nous ne faisons pas les efforts nécessaires en matière de sobriété et d’efficacité, nous risquons de voir ces limitations nous être imposées par la force des choses. La sobriété choisie devient alors un rempart contre une pauvreté subie.

 

Un fossé croissant entre promesses politiques et réalité physique

Dans un contexte où le discours politique promet croissance économique et transition écologique simultanément, il est légitime de s’interroger sur la faisabilité de ces engagements. Le modèle économique actuel, basé sur une consommation toujours croissante d’énergie, semble incompatible avec les impératifs de décarbonation. Jancovici souligne ici un paradoxe : pour maintenir un PIB en croissance tout en réduisant notre empreinte carbone, il faudrait diviser par trois nos émissions tout en doublant l’efficacité énergétique et en utilisant massivement des énergies renouvelables.

 

Mais la réalité est tout autre : les gains en efficacité énergétique sont bien plus lents que prévu, et les énergies fossiles continuent de dominer. Même les énergies renouvelables, souvent citées comme des solutions miracles, sont loin d’être exemptes de problèmes. Les panneaux solaires et les éoliennes nécessitent des ressources rares, et leur production reste largement dépendante des énergies fossiles (du fait de leurs intermittences). La « transition énergétique » n’est pas un chemin tout tracé, mais un labyrinthe semé d’embûches.

 

Les sacrifices inévitables pour un futur supportable

La question qui se pose alors est la suivante : sommes-nous prêts à faire les sacrifices nécessaires pour un avenir durable ? Cela implique-t-il de renoncer à une partie de notre confort actuel ? Jancovici fait ici un calcul frappant : avec deux tonnes de CO2 par personne par an – un seuil compatible avec un réchauffement limité à 2 degrés – nos déplacements en avion, nos appareils électroniques, et même nos maisons seraient drastiquement limités. Un seul voyage en avion suffirait à épuiser ce quota pour l’année. Il ne s’agit pas d’un futur dystopique, mais bien de la conséquence inévitable d’une réduction nécessaire de notre consommation énergétique​.

 

Un futur à réinventer : entre rêves et contraintes

Face à cette réalité, il est tentant de se réfugier dans des scénarios où les énergies renouvelables résoudraient tous nos problèmes. Jancovici, avec une pointe d’ironie, déconstruit ce rêve : même si nous pouvions augmenter massivement la production d’électricité décarbonée, cela ne suffirait pas à répondre aux besoins globaux sans un changement radical de nos modes de vie. La transition énergétique, pour être viable, nécessite un engagement collectif et individuel sans précédent, où la sobriété, choisie ou non, joue un rôle central.

 

En conclusion, cet exposé sur les économies d’énergie révèle l’ampleur des défis qui nous attendent. Il ne s’agit plus de rêver à un avenir radieux où technologie et croissance sauveraient le monde, mais de repenser nos priorités et d’accepter une certaine forme de renoncement. C’est là que la métaphore du « labyrinthe énergétique » prend tout son sens : ce n’est qu’en naviguant habilement entre les contraintes physiques, économiques et sociales que nous pourrons espérer trouver une sortie. La transition vers un modèle plus durable sera longue et semée d’embûches, mais elle est inévitable si nous voulons éviter des conséquences bien plus dramatiques.