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La lente danse du changement climatique : un futur incertain mais engageant

source : 4 – Le changement climatique (2) – Cours des Mines 2019 – Jancovici – (youtube.com)

 

Face à l’immensité des défis climatiques actuels, il est crucial de revenir sur ce qui fonde nos discussions sur le changement climatique : des éléments tangibles, mesurables, et surtout compréhensibles pour le plus grand nombre. Lors d’un cours donné en 2019 aux Mines ParisTech, Jean-Marc Jancovici, figure incontournable de la réflexion climatique, expose les complexités du changement climatique tout en soulignant la profondeur des impacts que cela pourrait avoir sur notre société moderne. Cet article vise à traduire les points essentiels de cette présentation tout en engageant une réflexion critique sur les implications futures pour l’humanité.

 

Une humanité aveuglée par son propre progrès

La première observation que l’on peut faire en suivant l’argumentation de Jancovici concerne notre rapport avec l’énergie et la croissance économique. Depuis plusieurs siècles, nous avons fait le choix inconscient de lier notre développement économique à une consommation croissante d’énergies fossiles. L’idée même que « plus l’économie va bien, plus le climat se dégrade » est presque paradoxale. Mais n’est-ce pas là l’un des dilemmes les plus pernicieux de notre époque ? Comment concilier une économie florissante avec la nécessité de réduire drastiquement nos émissions de CO2 ?

 

Jean-Marc Jancovici ne manque pas de souligner que nos modèles économiques actuels, basés sur la consommation d’énergie, inversent souvent les causes et les effets, en présentant les émissions de gaz à effet de serre comme une conséquence inévitable de la croissance. Cependant, une question cruciale se pose : que se passerait-il si nous réinversions cette logique ? Si au lieu de pousser la croissance à tout prix, nous cherchions à stabiliser, voire réduire nos émissions de manière proactive ?

 

Un modèle climatique d’une effrayante précision

Les modèles climatiques actuels, même s’ils évoluent au gré des avancées technologiques, convergent tous vers des conclusions similaires : le réchauffement climatique est une certitude, et ses impacts potentiels sont dévastateurs. Les simulations basées sur différents scénarios montrent que, même dans les hypothèses les plus optimistes, il nous sera difficile de contenir la hausse des températures à 1,5°C. Et dans le pire des cas ? La planète pourrait bien connaître une augmentation de 6°C, avec des conséquences irréversibles sur les écosystèmes et les sociétés humaines.

 

Il est intéressant de noter que malgré l’amélioration continue des modèles climatiques, les projections sur l’élévation des températures n’ont pas fondamentalement changé depuis les premières simulations dans les années 1970. Cela met en lumière une réalité inquiétante : malgré des décennies d’avertissements, les tendances observées sur le climat ne laissent aucun doute quant à la gravité de la situation. Les dernières décennies ont vu une augmentation rapide de la température mondiale, et il est presque tragique de constater à quel point cela est lié à notre mode de vie.

 

Les aérosols : une arme à double tranchant

Parmi les nombreux facteurs influençant le climat, Jancovici évoque également les aérosols, ces petites particules émises par l’industrie et les transports qui jouent un rôle inattendu. En effet, certains aérosols, notamment les sulfates, peuvent temporairement refroidir l’atmosphère en augmentant l’albédo terrestre (la capacité de la surface à réfléchir la lumière solaire). Cette situation paradoxale, où la pollution industrielle pourrait refroidir la planète, est toutefois de courte durée, car ces particules se dissipent rapidement. De plus, elles contribuent à d’autres phénomènes néfastes, comme les pluies acides.

 

Ces aérosols représentent à eux seuls une illustration parfaite de la complexité du système climatique. Nous créons des solutions temporaires tout en aggravant d’autres problèmes, ce qui montre à quel point chaque action humaine a des conséquences imprévues, souvent loin de celles escomptées.

 

Vers quel futur ? Les incertitudes qui persistent

Le cœur de l’argumentation de Jancovici réside dans cette simple observation : nous ne pouvons pas prédire avec certitude le futur des émissions de gaz à effet de serre, et par conséquent, les impacts climatiques exacts. Cependant, il souligne un fait indéniable : plus nous attendons pour agir, plus les conséquences seront graves. Les simulations climatiques montrent clairement que même avec un effort global, les effets du changement climatique seront ressentis pendant plusieurs siècles.

 

L’analogie avec la conduite en état d’ivresse, que Jancovici utilise pour expliquer la prise de risques face à une grande incertitude, est saisissante : attendre de « voir ce qui se passe » avant d’agir revient à traverser les Champs-Élysées les yeux bandés. Le risque, même s’il n’est pas certain, est immense.

 

Une prise de conscience inévitable

Il serait injuste de dire que nous sommes totalement démunis face à cette situation. Des solutions existent, mais elles exigent des sacrifices économiques et sociaux considérables. Pourtant, il semble que le coût de l’inaction, tant sur le plan économique que moral, sera encore plus élevé. Nous avons donc le choix : continuer sur notre trajectoire actuelle, ou envisager une transition vers un modèle économique plus sobre, plus respectueux des limites planétaires.

 

Il est tentant, à ce stade, de conclure en évoquant les énergies renouvelables comme une réponse évidente à ces défis. Cependant, comme l’a si bien dit Jancovici, « ce n’est pas l’énergie qui manque, mais le temps ». La transition vers des solutions durables prendra des décennies, et il est fort probable que les impacts du changement climatique se feront sentir bien avant que nous puissions en récolter les bénéfices.

 

L’espoir en demi-teinte

En fin de compte, ce qui ressort de cette analyse critique du discours de Jean-Marc Jancovici, c’est une certaine forme de lucidité face aux limites de notre capacité à anticiper et à réagir. Nous savons que nous devons changer, mais la question demeure : en serons-nous capables avant qu’il ne soit trop tard ?

 

Une chose est certaine : la lutte contre le changement climatique n’est pas seulement une question technique, mais avant tout une question de volonté politique et de choix de société. C’est cette prise de conscience collective qui déterminera notre avenir.