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L’illusion du contrôle climatique : quand la science rencontre les réalités économiques et politiques

source : 3 – Le changement climatique (1) – Cours des Mines 2019 – Jancovici – YouTube

 

En 2015, Laurent Fabius frappe de son marteau de commissaire-priseur pour annoncer fièrement l’accord de Paris. Un moment historique ? Peut-être, si l’on fait abstraction des nombreuses promesses sans résultats concrets. Depuis ce jour, nous vivons dans l’ombre d’un espoir : limiter le réchauffement climatique à 2°C. Pourtant, une décennie plus tard, l’illusion persiste : malgré les efforts médiatiques et les sommets internationaux, la crise climatique reste incontrôlée.

 

Alors pourquoi, malgré toutes ces déclarations et engagements, la trajectoire climatique semble-t-elle inexorablement s’aggraver ? Jean-Marc Jancovici, dans son célèbre cours donné à l’École des Mines en 2019, met en lumière un constat alarmant : la déconnexion totale entre la réalité des émissions et le bruit fait autour de la question climatique. Le problème ne réside pas uniquement dans le déni, mais dans une certaine fatalité économique et politique.

 

Un fossé entre intentions et réalité

L’un des points cruciaux soulevés est l’inertie du système économique mondial. Depuis la signature des premiers accords climatiques en 1992, nous continuons à observer une augmentation continue des émissions mondiales de CO₂, atteignant aujourd’hui des niveaux critiques. La croissance économique, dépendante des énergies fossiles, demeure intimement liée à l’augmentation des émissions de CO₂. Le paradoxe est flagrant : comment peut-on espérer diminuer les émissions sans réduire la consommation énergétique fossile, tout en continuant à valoriser une croissance économique infinie ?

 

Dans son exposé, Jancovici illustre avec ironie comment, malgré les succès proclamés, comme celui de l’accord de Paris, les émissions de gaz à effet de serre ne cessent de croître. Il compare les COP successives à une série de réunions où les discussions sont déconnectées des réalités, où le nombre de discours grandit alors que la planète continue de se réchauffer. Cette dissociation entre la parole politique et la réalité climatique révèle une triste vérité : nous n’avons pas encore trouvé de modèle économique véritablement compatible avec une transition énergétique.

 

La complexité du système climatique : un défi scientifique et politique

L’évolution climatique repose sur des phénomènes bien plus complexes que ceux que nos sens peuvent percevoir. Jancovici nous rappelle que le climat est une moyenne des variables météorologiques que nous vivons au quotidien (température, précipitations, etc.). Ce décalage entre ce que nous ressentons et ce que la science mesure alimente les incompréhensions et les raccourcis intellectuels, souvent exploités par ceux qui veulent minimiser l’importance de l’urgence climatique. En d’autres termes, la science climatique n’est pas intuitive, ce qui la rend parfois difficile à accepter.

 

À travers des données accessibles et chiffrées, Jancovici explique que la concentration en CO₂ dans l’atmosphère a atteint des niveaux records : de 300 ppm (parties par million) en 1900, nous sommes aujourd’hui à plus de 410 ppm​. Il rappelle que cette élévation entraîne des dérèglements extrêmes du climat, augmentant les phénomènes tels que les ouragans et les canicules. Pourtant, ces données scientifiques ne semblent pas assez puissantes pour infléchir la dynamique politique ou économique.

 

Un avenir sous haute tension

Si l’on continue sur cette trajectoire, d’ici 2050, la Terre pourrait connaître des augmentations de température catastrophiques. L’effondrement des écosystèmes, la montée des eaux, et l’amplification des phénomènes météorologiques extrêmes ne seront plus des projections mais des réalités incontournables. Cependant, Jancovici ne se contente pas d’un discours alarmiste. Son analyse est avant tout une invitation à réfléchir aux solutions, tout en se montrant réaliste : le défi est colossal et demande des transformations structurelles de l’économie mondiale.

 

En conclusion, la transition énergétique, qu’elle soit sous forme de biogaz, d’électricité photovoltaïque ou de chaleur renouvelable, représente une opportunité incontournable, mais encore marginalisée. Il est peut-être temps d’adopter une approche plus radicale. Plutôt que de maintenir l’illusion que tout est sous contrôle, il est crucial de réviser nos priorités économiques, nos modes de vie et notre rapport à l’énergie. L’avenir ne se dessine plus uniquement à travers des discours, mais à travers des actes concrets.